ET LE LECTEUR…
Le niveau de lecture
Il semblerait que « 53 % des Québécois n’ont pas le niveau de compétence souhaitable en littératie. » 5. De ce nombre, environ 20 % ne savent ni lire ni écrire. Après ces degrés d’analphabétisme fonctionnel, il existe (voir les références) des échelons 3, 4, et 5, où la maîtrise de la littératie va de bonne à excellente. Pour nos besoins, nous devons malheureusement mettre de côté ces « 20 % » puisqu’ils achètent sans doute très peu de livres. La citation suivante décrit assez bien la situation des 33 % restants de ceux avec une faible compétence en lecture :
« Des enfants apprennent au primaire à associer des lettres à des sons, mais, quelques années plus tard, ils ont du mal à résumer, c’est-à-dire à comprendre en déchiffrant le texte, ce qu’ils lisent. Ce sont eux qui rejoignent, à 12 ou 13 ans, la cohorte des futurs analphabètes fonctionnels. » 6. De plus, si on ne pratique pas au travail ou chez soi, notre aisance à saisir le sens d’un écrit s’amoindrit. « On ne parle pas ici de perdre complètement sa capacité à lire, mais plutôt d’être un moins bon lecteur qu’avant, d’avoir plus de difficulté à comprendre des textes complexes ou plus longs. » 7. Dans la même étude, dans le groupe d’âge des 16 à 65 ans, toujours chez ceux avec une faible littératie, 27 % ont un diplôme universitaire, 40 % possèdent un diplôme collégial et 63 %, un diplôme secondaire.
Naturellement, dans ces études, la démarcation entre les niveaux n’est pas à couper au couteau. Ce qui s’avère être un problème pour l’un ne l’est sans doute pas pour l’autre.
Je ferais néanmoins l’hypothèse, sans fondement, qu’environ 35 % de la population du Québec a des difficultés à lire, si ce n’est pas plus. Tant qu’à faire des hypothèses, on peut penser que lorsque ce groupe de lecteur ouvre un roman, par exemple, ils identifient probablement peu les fautes. Il pourrait en aller de même pour la structure de la phrase ou le choix du bon temps de verbe ou le choix du bon mot. Les mots utilisés ne doivent pas non plus posséder un niveau de complexité très élevé. Si notre groupe avec des difficultés liées à la littératie commence un livre qui s’avère trop laborieux, le divertissement devient un travail. Le plaisir n’est plus là. Et cela se comprend très bien. Même si vous êtes bon liseur, vous êtes peut-être déjà tombé sur un roman où vous devez avoir recours au dictionnaire cinq à six fois par page, comme si on s’ingéniait à trouver des mots rarement employés sauf par des gens qui en font l’étude. C’est très désagréable. De plus, et c’est essentiel, ce groupe de lecteurs, comme tous les autres, a besoin de livres qui leur conviennent.
Après cette longue digression, on pourrait revenir à notre sujet et croire que le niveau d’écriture importe peu pour obtenir un certain succès puisque beaucoup de lecteurs ne feraient pas la différence. C’est sans doute vrai, mais c’est sans tenir compte des critiques littéraires qui vont vous clouer au pilori. Il ne faut pas oublier non plus ceux, avec une bonne littératie, dont les poils se hérissent lorsqu’ils lisent un livre avec des fautes ou avec un style peu élaboré. Vous avez certainement entendu dire une phrase du genre : « Moi, je ne lis pas ça ! ». Quelqu’un pourrait rétorquer que 35 %, c’est quand même un marché intéressant. Et ultimement, aller jusqu’à dire que le groupe des 35 % se sentent plus à l’aise avec un livre « avec fautes », il n’y a qu’un pas, mais c’est un faux pas. Une phrase ou un ensemble de phrases bien écrites, en adaptant le niveau de langage, est toujours plus simple à lire. Même si nous croyons que notre clientèle ne voit pas la différence, il faut lui laisser le choix. Toute lecture possède une fonction d’apprentissage, si on y met le temps : je parle bien entendu du temps de l’écrivain comme celui du lecteur.
Et finalement
Nous l’avons vu, pour un écrivain, le besoin de bien rédiger est intimement lié à sa perception de ce qu’est l’écriture ainsi qu’à ses aptitudes et affinités personnelles. À cela se surajoute le niveau de lecture de notre clientèle qui influence aussi la qualité de notre produit. En sachant cela, quel serait donc le degré de correction minimale auquel nous devrions tous nous astreindre ?
En premier lieu, il nous faut accepter d’être aidés. Des logiciels comme antidote sont très utiles. Ils peuvent aussi participer à notre formation, mais ils ne font pas le travail à notre place. Dans n’importe quel domaine, que l’on ait un postdoctorat en physique quantique ou non, penser que l’on a atteint le sommet de la compétence frise le ridicule. Parlez-en à plusieurs personnes qui possèdent des postdoctorats, certains vous le confirmeront. À moindre échelle, croire que l’on n’a pas besoin d’être relu, entre dans la même catégorie. Il y a toujours quelque chose à cultiver et nous faisons tous des erreurs. Et puis, comme nous l’avons vu, devenir écrivain ne s’apprend pas en quelques heures. Comme dans n’importe quel métier, un peu d’humilité est de mise.
Maintenant, si nous devons être relus, il faudrait minimalement que nos réviseurs ne soient pas complaisants. Qu’ils soient plus compétents que nous serait aussi un avantage certain. Une fois cela fait, il faut effectuer les corrections et puisque personne n’est parfait, on en prend et on en laisse.
En second lieu, on doit apprendre à se corriger ou apprendre à écrire, ce qui revient au même. Se corriger, c’est bien, mais jusqu’où ? Voici une liste non exhaustive de quelques paramètres de révision.
- Orthographe – syntaxe – grammaire
- Ponctuation
- Subdivision
- Cohérence du texte – vraisemblance
- Stylistique
Si on s’attarde à ces éléments qui, globalement, permettent de produire un texte raisonnablement bon, voyons quel niveau de révision il faudrait appliquer.
L’orthographe et la grammaire ne peuvent être négligées. Les logiciels de correction les moindrement élaborés suffisent souvent, mais si vous ne vous y entendez pas, faites vérifier votre texte par un habitué. Pour la ponctuation, incluant les dialogues, il faut conserver la même symbolique tout le long du document et bien comprendre comment utiliser les signes. La Banque de dépannage linguistique est une excellente référence en ce domaine.
En ce qui concerne la subdivision, elle est liée à la cohérence de l’ensemble du texte. Pensons à des actions mal disposées dans le temps ou qui appartiennent à différents personnages sans que le lecteur en soit clairement averti. Question de vraisemblance, je me souviens d’avoir lu un roman (très bien écrit) où le héros écoutait un disque de Genesis (331/3) sur un ancien gramophone (!). Voilà pourquoi il est bon d’être relu.
Finalement, j’avancerais sans gêne qu’un minimum de correction stylistique est incontournable. Je ne demande pas d’aller au bout de ce qu’un logiciel comme Antidote peut amener comme information. Cependant, l’utilisation abusive des « qui, que » de même que l’apparition du même verbe cinq fois dans un seul paragraphe, c’est un peu trop. Il n’est pas nécessaire de faire usage de synonymes difficiles à comprendre pour une bonne portion de la population. Ainsi, votre document amélioré sera d’autant plus agréable à lire pour ceux qui cherchent à bouquiner et dont le niveau de littératie les empêche parfois de se divertir.
Évidemment, rien ne vous interdit de produire des textes plus châtiés. Les amoureux de l’écriture y aspirent tous. Ils vous diraient sans doute que la citation « Vingt fois sur le métier, remettez votre ouvrage. » correspond de toute évidence à une allégorie à ne pas prendre au pied de la lettre.
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Références
2 Bordeleau, F. (1996). La formation de l’écrivain. Lettres québécoises, (82), 11–14.
3 ATOUT MÉTIER Central test. Profil de Vincent. Septembre 2012.
4 http://www.centrelavenir.ca/sites/centrelavenir.ca/www/IMG/pdf/Liste_de_metiers_et_professions.pdf
5 http://plus.lapresse.ca/screens/0453a6d2-a081-4c44-8ebb-4e5a01105f41%7C_0.html
6 http://www.journaldemontreal.com/2016/01/12/le-quebec–analphabete
7 https://www.journaldequebec.com/2016/10/04/27-des-diplomes-universitaires-sont-analphabetes-fonctionnels